Qui êtes-vous ?  Pouvez-vous présenter votre organisation, l’International Science Council ?

Je suis Mathieu Denis, je viens de Montréal. Je travaille pour l’International Science Council (ISC), que nous avons créé en 2018. Ce Conseil est le résultat de la fusion de deux organisations : l’une représentant les sciences naturelles (fondée en 1931) et l’autre, les sciences humaines et sociales (fondée en 1952). J’étais le dernier directeur exécutif du Conseil international des sciences sociales. 

L’International Science Council est une organisation non-gouvernementale qui représente la science, toutes les sciences, au niveau mondial. Pour être précis, c’est une fédération d’organisations scientifiques, l’une des plus représentatives dans le monde puisque nous comptons des membres dans 146 pays, représentant tous les champs de la science organisée. Notre QG est basé à Paris et nous comptons des bureaux régionaux en Afrique, Amérique latine et Asie-Pacifique.

En mai 2023, j’ai mis sur pied le laboratoire d’idées de l’ISC, qui se consacre plus spécifiquement à comprendre les grandes transformations de la science et de son organisation : le Centre for Science Futures. C’est dans ce cadre que je m’intéresse aussi au futur de l’éducation supérieure et de l’enseignement.

Récemment, nous avons par exemple publié une note de synthèse des débats sur l’avenir de l’évaluation de la recherche dans le monde, afin d’essayer de décentrer les discussions dans ce domaine. 

Nous avons aussi fait une recherche sur ce que l’on sait de la confiance en la science, l’idée étant notamment de sensibiliser un public onusien à ces sujets.

En partenariat avec le journal Nature, nous avons créé un podcast sur l’avenir, avec des auteurs de science-fiction de différentes régions du monde. Dans les semaines à venir, nous publierons également un papier sur la manière de protéger la science et les scientifiques en période de crise

Nous travaillons aussi sur les sujets d’intelligence artificielle, avec toute une série de pays, et nous intéressons à la façon dont les États envisagent les adaptations de leurs écosystèmes de recherche pour les intelligences artificielles. 

De manière générale, comment vous impliquez-vous sur les sujets de la jeunesse et de l’éducation ? 

J’ai enseigné plusieurs années à l’université, mais je crois que c’est le Covid qui m’a amené à m’intéresser aux questions d’éducation en tant que telles, et notamment au rôle des nouvelles technologies. Pendant cette période, la nécessité d’intégrer les technologies numériques au sein des systèmes d’éducation est devenue évidente : toute la question était de savoir comment et dans quels buts. C’est d’ailleurs ce qui m’intéresse particulièrement dans le travail du Learning Planet Institute.

Je trouve intéressant et important de sortir du discours technophile qui aborde cette transition en termes d’économies d’échelle : comment un prof peut-il enseigner à 10 000 personnes plutôt qu’à 26 ? Il m’est apparu que c’est plutôt par mesure de salut public que l’éducation doit apprendre à tirer profit des nouvelles technologies notamment pour les périodes de crise. C’est un domaine dans lequel il est préférable d’être volontaire que réactif. Il faut partir des besoins sociétaux, de ceux des jeunes et des enseignants, pour comprendre quels sont les nouveaux savoirs à enseigner aux étudiantes et étudiants d’aujourd’hui, et cerner comment les nouvelles technologies peuvent permettre d’y répondre.

Que pensez-vous de la notion de Planetizen University ? Que vous évoque-t-elle ? 

L’idée d’une université qui soit réellement un lieu d’apprentissage tout au long de la vie est, je pense, cruciale et enthousiasmante. À ma connaissance, les universités du monde entier ont un mandat d’éducation des adultes. Mais les résultats dans ce domaine sont dans l’ensemble limités.

La possibilité de repenser l’université comme lieu où l’on puisse acquérir des compétences et des savoirs tout au long de notre vie, notamment pour répondre plus efficacement aux enjeux climatiques et globaux, et de recevoir une forme d’accréditation reconnue, est importante. Dans un contexte de bouleversements, l’université deviendra ce lieu où l’on peut apprendre pour agir. 

La co-construction de cette université est aussi importante.  Il faut inclure les jeunes – et c’est l’idée la plus enthousiasmante – et d’autres parties prenantes de la société civile (dont les personnes au sein du monde du travail). Sans nier l’importance des disciplines établies, il faut prendre la pleine mesure du fait que les nouvelles institutions du savoir ne pourront plus exclusivement être guidées par les impératifs disciplinaires : elles devront faire plus de place à la recherche co-construite avec les parties prenantes non-universitaires. Quoi de mieux que de commencer par construire des universités avec les personnes qui viendront y étudier ? 

De manière générale, la co-construction est devenue un pilier de la recherche sur le changement climatique et les autres défis globaux. Au sein de l’ISC, nous mettons en avant la recherche co-construite, nous disons transdisciplinaire, comme approche porteuse de solutions aux enjeux globaux. Être inclusif doit non seulement être vu comme une chance d’un point de vue éthique, mais c’est également une nécessité pragmatique, afin de s’assurer que les réponses développées conviennent aux personnes et groupes concernés. 

Comment avez-vous entendu parler du LearningPlanet Festival / Festival de l’Apprendre?

J’y ai participé à distance l’année dernière, et je serai présent sur place, à Paris, cette année. Je suis intéressé par les discussions sur la Planetizen University et sur l’IA notamment. Il est encourageant de voir comment nous arrivons à des constats et des pistes de solutions très semblables avec le Learning Planet Institute, quoiqu’à la suite d’expériences et par des chemins différents.

En savoir plus : International Science Council