Nous avons tous appris, à l’école et ailleurs, qu’il fallait être de bons citoyens. Toutefois, nous n’avons jamais été amenés à réfléchir aux limites historiques et géographiques de l’idée de citoyenneté. Comparée à la domination implacable des tyrans, la citoyenneté constitue un net progrès qui a permis l’accès à l’éducation, aux arts, à la science, au débat ouvert et à la démocratie. Pour autant, la citoyenneté n’a jamais été un concept inclusif. La cité était dotée de murs qui séparaient les autochtones des étrangers. Parmi ceux qui vivaient entre les murs, seuls les individus capables de défendre la cité des menaces extérieures étaient éligibles au statut de citoyen, excluant d’office les esclaves, les femmes et les enfants. Par-delà les murs de la cité, il y avait la Nature, dont on extrayait la subsistance destinée à nourrir la population citoyenne et à faire prospérer celle-ci.
À l’époque des Lumières, les États repensent la notion de citoyenneté, mais cette nouvelle définition n’est pas plus inclusive que la première. Une fois encore, les étrangers, les pauvres, les esclaves, les femmes et les enfants ne sont pas considérés comme des citoyens et, en conséquence, ne peuvent pas voter ni s’exprimer sur les lois. Les États impériaux jouent des coudes pour exploiter les ressources naturelles et coloniser diverses parties du monde afin d’accumuler les richesses. De cette course au profit naissent l’esclavage, les guerres et la surexploitation des ressources naturelles, dont découlent les crises démocratique, économique, sanitaire, climatique et l’effondrement de la biodiversité que nous connaissons aujourd’hui. Ces crises-là ne s’arrêtent nullement aux murs des cités, aussi bien gardées soient-elles. Si les décisions concernant les questions locales et nationales se prennent à l’échelle des villes et des États, la résolution d’une crise qui n’a pas de frontières doit être envisagée à l’échelle planétaire. C’est la raison pour laquelle en plus d’être des citoyens de nos États respectifs, nous devons apprendre à devenir des Learning Planetizen* éthiques, inclusifs et respectueux.
Les Learning Planetizens, quel que soit leur âge, doivent apprendre (i) à prendre soin d’eux-mêmes, des autres et de la planète, (ii) à travailler ensemble afin de surmonter les défis individuels, nationaux et internationaux (dont font partie les Objectifs de Développement Durable de l’ONU) en mobilisant les compétences communes et les technologies durables (iii) à reconnaître leur interdépendance à l’échelle mondiale, les limites de la planète et de notre société et la complexité de notre monde, (iv) à réfléchir à notre passé, à notre présent et à notre futur, (v) à être de bons ancêtres pour les générations à venir, (vi) à « planétiser le mouvement », pour reprendre les mots de Martin Luther King, ainsi que notre conception des choses, nos actions, nos droits, nos institutions, nos objectifs et notre capacité à nous mettre d’accord sur la façon dont nous devons vivre ensemble sur cette Terre.
*Planétoyen apprenant
Par François Taddéi, co-fondateur et Directeur du Learning Planet Institute